LE QUINQUENNAT QUI VIENT S04E08 [04/04/24]
Le retour fracassant du budget. Croissance zéro. Vie à crédit et mur de la dette. Les conséquences politiques de la dette. Le vrai risque d'une dissolution.
Aguiche : Au sortir d’une réunion avec René Pleven et Pierre Mendès France en janvier 1945, le Général de Gaulle aurait confié à Louis Vallon qui était alors son directeur-adjoint de cabinet :
“Je ne permettrai plus jamais à personne de me parler trois heures durant d’économie” .
Le débat entre René Pleven et Mendès en 1945 est bien connu, il portait sur la lutte contre l’inflation. Mendès France était un partisan de la rigueur, mais aussi des réformes de structure (des nationalisations à l’époque). Alors que Pleven était laxiste et libéral, Mendès France était rigoureux et dirigiste, il faut le garder en tête quand, aujourd’hui, Mendès est cité avec trop de gourmandise par la droite :
“ Un pays qui n’est pas capable d’équilibrer ses finances publiques est un pays qui s’abandonne”
Défions le Général, prenons le risque de parler d’économie…mais un peu que trois heures quand même.
Laissons Mendès et Pleven et revenons au premier trimestre 2024 où nous assistons au grand retour des finances publiques après trois années passées en apesanteur budgétaire, dans une bulle formée par les dispositifs de crise et le recours systématique au 49.3.
En début d’année, les finances publiques étaient quasi absentes du discours de politique générale prononcé le 30 janvier par Gabriel Attal devenu Premier ministre. Tout ce dispositif politique est bouleversé par le retour du réel budgétaire qui est l’unique ordre du jour de ce huitième épisode de la quatrième saison du Quinquennat Qui Vient.
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En empruntant une formule de la journaliste américaine Joan Didion :
« J’écris uniquement pour savoir ce que je pense, ce que je regarde, ce que je vois et ce que ça signifie. Ce que je veux et ce que je redoute ».
L’audioguide :
Rattrapés par le déficit
Le sujet était quasi absent du discours de politique générale du Premier ministre, puisque Gabriel Attal s’est contenté de rappeler l’objectif de retour sous les 3%:
“Je vous confirme que nous tiendrons le même cap : repasser sous les 3% de déficit public d'ici 2027, grâce à plus de croissance, plus d'activité et à la maîtrise de nos dépenses ; pas grâce à trop d'impôts. Grâce à des économies de structure, aussi.”
Le réel, c’est quand on se cogne. La réalité a rattrapé le gouvernement Attal en trois temps: d’abord la prise d’un décret annulant 10 milliards d’euros de dépenses le 21 février, la publication du rapport annuel de la Cour des comptes le 12 mars et pour finir (provisoirement) le 26 mars par la publication par l’INSEE du déficit public constaté en 2023 : 5,5% du PIB (assez loin des 4.9% prévus).
Alors que le 49.3 donnait à voir ce qu’il restait de la puissance de gouverner, la réalité de l’exécution budgétaire est plus difficile. La pression est d’autant plus forte qu’en matière budgétaire, les mauvaises nouvelles sont cumulatives : les mauvais résultats de 2023 plombent d’ores et déjà l’exercice 2024 en cours. Comme 2024 est la première année de la trajectoire pluriannuelle qui devait conduire le déficit public sous les 3% en 2027, s’écarter fortement de la trajectoire dès la première année compromet évidemment la suite du voyage.
Le joli édifice constitué par la loi de finances 2024 et la loi de programmation des finances publiques 2023-2027, construit très librement (c’est-à-dire grâce au 49.3) par le gouvernement est en charpie.
Le bilan de Bruno Le Maire. Le Premier ministre ne pouvait pas ignorer la tournure des évènements, mais on mesure l’ampleur du déni devant la parade du ministre, ou du candidat, Bruno Le Maire qui fait en ce début d’année la promotion de son bilan et trace des perspectives d’avenir.
En matière budgétaire, Bruno Le Maire vit sur le crédit acquis pendant la période 2017-2019, quand le déficit public est en effet repassé sous les 3% du PIB. La Cour des comptes n’a eu de cesse de rappeler que, pendant cette période, les dépenses n’étaient pas particulièrement tenues et que les baisses d’impôts poseraient à un moment des difficultés.
Budgétairement, l’année 2023 devait être une année de transition et de normalisation, marquée par la fin de la relance post-Covid et la fin des différents boucliers. Le ministre a d’ailleurs raison de dire que les dispositifs de protection ont été temporaires, il oublie toutefois de rappeler que ces boucliers étaient très larges, donc très coûteux. Par ailleurs, l’État a augmenté ses dépenses pérennes et poursuivi sa politique de baisse d’impôts pendant ces années post-Covid assez confuses. Au final, comme le note l’INSEE, la dépense publique ressort de cette période à un niveau supérieur : 57,3% du PIB en 2023 contre 55,2% en 2019.
Si le gouvernement ne peut pas prétendre à un diplôme pour sa maîtrise des dépenses, il n’en a pas pour autant perdu le contrôle : en 2023, les dépenses ont augmenté de +3,7% en euros courant, soit moins que l’inflation (+4.9% en 2023) et moins que le déflateur du PIB (+5,5% en 2023) qui est la mesure d’inflation propre au PIB. C’est ce qu’on appelle une baisse en volume.
Croissance zéro. Pourquoi le gouvernement est-il en difficulté ? Parce qu’il a été très léger dans la préparation budgétaire. Le budget de l’année suivante se prépare tôt et les grands choix sont faits en milieu d’année. Or l’année 2023 a été très trompeuse : après un bon départ, l’économie française s’est retrouvée en croissance zéro au second semestre. Elle l’est toujours au premier trimestre 2024. C’est notre problème numéro un, celui qui déclenche la crise budgétaire. Le gouvernement n’a manifestement pas pris en compte ce tournant.
Croissance zéro trois trimestres de suite : aucun budget public ne peut résister à ce choc, encore plus quand ce budget a été construit sur des hypothèses de départ très optimistes, voire audacieuses. Ce dont tout le monde convenait à l’automne 2023.
Cette panne de croissance - l’Allemagne a même connu la récession en 2023 - a provoqué une panne des recettes fiscales, alors que les recettes avaient été exceptionnellement dynamiques en 2022. La France a clairement payé l’efficacité de la politique monétaire restrictive de la Banque centrale européenne qui, par ses hausses de taux successives, a choisi de casser la croissance dans la zone euro. Mission accomplie : l’inflation est vaincue dans la zone euro : 2,4% sur un an en mars (l’objectif étant de revenir à 2%), mais la croissance est perdue.
Évidemment, le gouvernement avait tous les moyens de savoir et d’anticiper : il ne découvre pas cette réalité en lisant le bilan de l’INSEE. Sa légèreté ne peut pas inspirer beaucoup de confiance à ses partenaires.
Est-ce grave, docteur ?
Dans le débat sur la dette, il y a plusieurs positions :
Le déni ordinaire très caractéristique du chiraquisme qui n’a pas grand-chose à avoir avec le gaullisme et tout à voir avec l’héritage corrézien du président Henri Queuille inscrit dans la fameuse formule : « Il n'est pas de problème qu'une absence de solution ne finisse par résoudre ».
Le catastrophisme plus ou moins subtil, plus ou moins éclairé. Ni “l’État en faillite” de François Fillon ni les alertes d’Agnès Verdier Molinié n’ont produit beaucoup d’effet. Ce catastrophisme est souvent une pose ou un fonds de commerce.
Le discours rassurant. Ce “rassurisme” est poussé parfois jusqu’au négationnisme budgétaire. En lisant les textes des Economistes Atterrés, on découvre que le problème de la dette n’existe pas et qu’il s’agit d’une illusion, voire d’une ruse néo-libérale (peu efficace) pour démanteler l’État social.
Désormais, il faut compter sur le discours de la transition écologique qui regarde la question budgétaire comme une fausse urgence qui doit s’effacer derrière l’urgence climatique et le financement de la transition climatique. Sur cette position, je ne me prononce pas.
Entre ses quatre discours, on doit pouvoir définir une voie intermédiaire qui prenne au sérieux l’état de nos finances publiques, qui se souviennent que les crises de finances publiques ont existé par le passé et sont possibles à l’avenir, à condition d’en déterminer les conditions. Il n’y a aucune raison de paniquer, mais toutes les raisons de s’inquiéter.
Il n’y a aucune raison de paniquer, mais toutes les raisons de s’inquiéter.
La France vit-elle à crédit ? Les chiffres de l’INSEE pour 2023 sont clairs : 1607 milliards de dépenses, 1453 milliards de recettes…154 milliards de déficit. L’État (au sens large : l’État, la Sécurité sociale et les collectivités locales) vit 10% au-dessus de ses moyens.
Ce besoin annuel de financement est essentiellement couvert par l’émission de dettes nouvelles à moyen et long terme. Les grands discours moralisateurs sur l’addiction à la dette doivent mise en perspectives avec ces 10%.
On pourrait même retirer de ces 154 milliards, les 50 milliards d’intérêts payés sur la dette et l’équilibre budgétaire primaire se jouerait autour de 100 milliards par an. Je le dis avec une candeur assumée, et quand c’est Bruno Le Maire qui fixe l’objectif d’un budget à l’équilibre en 2032, personne ne le prend au sérieux. En dix ans, à raison de 10 milliards par an, il y a peut-être un chemin fait de marches hautes, mais praticables, en mélangeant revue des dépenses, hausses d’impôts ciblées et des mesures pour augmenter le potentiel de croissance de l’économie française.
Comme l’écrit, Antoine Levy, un jeune économiste libéral dans Le Monde ce week-end :
“Les finances publiques doivent être mises au service de la croissance, plutôt que d’attendre qu’une croissance hypothétique vienne au secours des finances publiques”.
Que 10%. Notre problème, ce n’est “que” 10% par an, mais 10% en permanence. La France ne reconstitue jamais de marges budgétaires et c’est le reproche le plus fondé qu’on puisse adresser à nos choix collectifs en matière de finances publiques.
Tous les États laissent filer les déficits dans les mauvaises années, c’est nécessaire, mais la France fait trop peu d’efforts les bonnes années : nous nous empressons de partager des cagnottes virtuelles.
Dernier épisode en date, les années 2018 à 2019 qui furent de bonnes années budgétaires, mais n’ont pas déclenché de choix clairs en dépenses (abandon des réformes du rapport Action Publique 2022) et ont été au contraire marqués par des baisses d’impôts. Les rapports de la Cour des comptes tiennent la chronique de cette généreuse légèreté budgétaire.
Y a-t- il un mur de la dette ? Comme la France finance depuis longtemps une partie de sa dépense publique par de la dette, elle a constitué un stock conséquent : plus de 3 000 milliards, 110% du PIB (en légère baisse par rapport à 2022 pour des raisons circonstancielles).
Cette dette ne sera jamais vraiment remboursée, l’État peut et va la rouler. Par contre, cette technique de financement a un coût variable qui est lié à deux facteurs : le montant de dette passée à refinancer chaque année et l’évolution des taux d’intérêt.
Pour se rassurer pleinement, il ne faut pas lire les Economistes Atterrés, mais regarder l’audition au Sénat de l’homme le plus tranquille du monde, Antoine Deruennes, le directeur général de France Trésor, qui a la lourde tâche de placer la dette publique française tous les 15 jours. Il a l’air de faire le plus beau métier du monde en vendant un produit très convoité dans d’excellentes conditions pour le vendeur.
En 2024, le besoin de financement prévisionnel établi par l’agence France Trésor est de presque 300 milliards, divisé en deux parties : 156 milliards de dette à refinancer et et 144 milliards de déficit courant (nouvelle dette) à financer.
On pourrait penser que le stock est indifférent puisqu’on peut vivre avec une dette à 100% du PIB ou à 200% du PIB comme le Japon, mais ça n’est pas tout à fait vrai. La taille de notre stock de dette change notre besoin de refinancement. Quand les taux d’intérêts augmentent, le coût du refinancement de cette vieille dette accumulée augmente, et là l’effet masse joue : plus le stock est important, plus la hausse des taux est coûteuse.
Boule de neige et avalanche. L’évolution des taux d’intérêt est un facteur plus important que le stock de dette. Or aujourd’hui, les taux sur la dette française sont remontés, ils sont autour de 2,8% à 10 ans, mais ils sont toujours inférieurs à l’augmentation du PIB en valeur. Les taux étaient nuls avant le Covid, ils pèsent désormais, mais ils n’écrasent pas les finances publiques et ne provoquent pas une explosion du coût de la dette.
Comme le décrit cette très aride note du Trésor, les économistes o
Aujourd’hui, notre stock de dette publique commence à coûter cher, plus cher qu’avant. Les intérêts qui représentaient 39 milliards avant Covid atteignent désormais 50 milliards en 2023.
Là encore, rien d’incontrôlable : les intérêts 2023 sont en baisse de 5% par rapport à 2022, une année sombre où les 10% de dette publique qui sont indexés sur l’inflation nous ont coûté très cher. Les 50 milliards de 2023 correspondent au coût de la dette en…2012. Finalement, l’augmentation du stock de dette et la hausse des taux nous ont ramenés à la situation d’avant 2012, avant la décennie d’argent gratuit lancée par Mario Draghi alors président de la Banque centrale européenne.
La hausse des taux de la dette publique se diffuse lentement mais sûrement, à mesure que notre dette roule et se renouvelle : on remplace de la dette ancienne à taux très faibles par de la nouvelle dette à 2,5%. Ce chemin est balisé : sans un recul des taux d’intérêt, le coût de la dette devrait atteindre 80 milliards en 2027 et compliquer d’autant l’équation budgétaire annuelle. Pas de boule de neige qui se transforme en avalanche, mais un boulet qui plombe et épuise l’Etat.
La contrainte monétaire européenne. La taille du stock de dette compte comme un facteur aggravant, mais l’évolution des taux d’intérêt de la dette publique représente le vrai danger qui peut déclencher la crise. Les taux sont à l’appréciation des marchés financiers et de la Banque centrale européenne qui, post-Covid, a mis fin à sa politique de rachat massif de dette publique inaugurée en 2015 et décidé une série de hausses de taux à partir de juillet 2022.
La participation de la France à l’euro (la monnaie unique) nous permet de bénéficier du parapluie européen : la France seule aurait depuis longtemps été sanctionnée par les marchés financiers et ne pourrait pas s’endetter dans les conditions où elle s’endette actuellement. Les vraies crises financières (la Grèce est un cas particulier) frappent des pays isolés, souvent contraints de s’endetter en devises étrangères et qui s’exposent à la spirale : déficit public, dette, faiblesse de la monnaie et hyperinflation.
Pour bénéficier du parapluie de l’euro, la France doit respecter un minimum les règles, c’est l’enjeu des 3% (sachant que le critère d’endettement historique est de…60%). La France doit jouer le jeu des 3% ou faire mine de le jouer.
Les règles européennes étaient suspendues depuis 2020, mais elles s’appliquent à nouveau depuis le 1er janvier 2024. A partir de 2025, ce seront de nouvelles règles, un peu plus subtiles, mais l’esprit restera le même : la discipline budgétaire. La France va donc très vite se faire rattraper par la patrouille. D’autant plus que sa situation relative au sein de la zone UE s’est dégradée : elle se rapproche du dernier rang. L’Italie nous protège encore.
Un deuxième péril nous guette, c’est l’effet dernier de la classe. Au sein de la zone euro, le dernier de la classe suscite le maximum de méfiance et d’interrogations des marchés financiers. Cette méfiance se paie par des taux d’intérêt plus élevés, donc un stock de dette plus cher à refinancer et un déficit annuel plus cher à financer.
Ne pas faire assez d’efforts pour respecter les règles communes va aussi appeler une réaction politique. La France n’est pas la Grèce : ni ses voisins ni les institutions européennes ne la traiteront comme la Grèce le fut pendant les années 2010, même si ce traitement rude fut la contrepartie de son maintien dans la zone euro dans l’intérêt de tous (par exemple, des banques françaises très exposées) et des Grecs (avec un coût social très élevé). Nos finances publiques conditionnent la crédibilité de la France en Europe. D’ailleurs, le prochain rendez-vous de Bercy est justement la transmission du mal nommé programme de stabilité à la Commission européenne fin avril.
Au niveau européen, il pourrait y avoir une bonne nouvelle si la Banque centrale européenne considérait sa mission de lutte contre l’inflation accomplie et qu’elle décidait une baisse de son taux directeur, sans doute pas en d’avril, mais peut-être en juin.
Les conséquences politiques de la dette
Trop de clients à satisfaire. Le gouvernement est dans une impasse. Economiquement, la croissance est nulle, c’est donc le pire moment pour prendre des mesures tranchantes en recettes comme en dépenses. Parce que ces mesures tranchantes risqueraient d’avoir un effet récessif et d’aggraver, à court terme, la situation. Politiquement, le gouvernement ne peut pas ne rien faire.
Simultanément, le gouvernement va devoir trouver des économies pour convaincre la droite de ne pas le censurer, il va devoir trouver des augmentations d’impôts pour calmer sa majorité, il va devoir présenter une stratégie crédible à la Commission européenne et à nos partenaires européens, il va devoir convaincre les marchés financiers que tout va bien passer…
Bizarrement, ce dernier client est peut-être le plus commode : les marchés aiment la bonne dette française, ils en ont besoin. Ce sera l’un des enjeux de la notation financière de la France, sachant que Fitch et Moody’s rendront leur copie fin avril et Standard&Poor’s fin mai. La notation est une chose, mais le juge de paix sera la réaction des marchés à une éventuelle dégradation de la notation. Sachant que pour se rassurer, il suffit de voir ou de revoir l’audition du grand patron de la dette française.
Les marchés financiers sont peut-être le client plus facile pour le gouvernement. Tous les autres clients sont irascibles et beaucoup plus difficiles à satisfaire. C’est face à ces autres clients que je redoute l’accident.
D’autant qu’il existe un dernier client : le citoyen contribuable. Notre système d’impôts élevés et dépenses publiques élevées est acceptable uniquement dans la mesure où l’’État se montre à la hauteur de ses missions régaliennes et que les services publics fonctionnent correctement…une question qui se pose.
Sincérité et cohérence. Depuis l’automne, le gouvernement a multiplié les annonces, mais aussi accumulé des lois de programmation ambitieuses pour les armées, la police, la justice, la recherche…des lois qui ne sont pas impératives, mais qui risquent de se transformer en simples effets d’annonce. Même les grandes priorités budgétaires du budget 2024 ont été en partie vidée de leur contenu par le premier coup de rabot de 10 milliards.
À l’inverse, un mois avant de prendre le décret des 10 milliards, le gouvernement a procédé à la revalorisation générale des retraites de 5,3% pour un coût de 14 milliards d’euros. C’est conforme aux annonces de l’automne, mais de fait il s’agit même d’une sur-indexation (l’inflation en 2023 n’a été que de 4,9%) et la mesure n’est en rien ciblée sur les petites et les moyennes retraites. C’est un vrai choix économique, social et politique.
Majorité désunie. Dans ces circonstances, la majorité va avoir du mal à être solidaire d’un budget qui ne l’engage pas plus que ça. La taxation des superprofits risque d’occuper beaucoup les esprits, pour un rendement fiscal limité.
Lors de son passage sur TF1, le Premier ministre a tenu un discours alambiqué sur les hausses d’impôts, plaçant quelques lignes rouges, mais ouvrant pas mal de possibilités. Le gouvernement vient d’ailleurs de confier à Jean-René Cazeneuve sur la taxation des rentes en associant les deux autres groupes de la majorité.
Le risque est de commettre la grosse erreur de politique économique (un classique) qui transforme une situation délicate en situation difficile. Un exemple récent : le collectif budgétaire de l’été 2012, décidé par les ministres Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac, qui plante l’économie française et le quinquennat de François Hollande par des hausses d’impôts à contretemps.
La pression LR. La majorité sénatoriale est particulièrement remontée : Jean-François Husson, sénateur (LR) de Meurthe-et-Moselle et rapporteur général du budget, s’est rendu à Bercy pour exercer ses pouvoirs d’enquête sur place et sur pièces. Une mission d’information pilotée par Claude Raynal, sénateur (SOC) de Haute-Garonne et président de la commission des finances, et le sénateur Husson vient d’être mise en place et devrait faire le procès du gouvernement.
Est-ce que cette crise peut déboucher sur une crise politique et une dissolution ? Dans le passé, du vote des députés LR dépend principalement de l'adoption d’une motion de censure. Ce vote ferait tomber automatiquement le gouvernement Attal et pourrait - c’est une simple option- conduire le Président de la République à dissoudre l’Assemblée nationale.
Pour le moment, les députés LR exigent une loi de finances rectificative (un PLFR) pour contraindre le gouvernement à revenir devant le Parlement pour ajuster son budget. Le groupe LR a utilisé son droit de tirage pour créer une commission d’enquête sur l’aggravation de la dette.
Les sénateurs LR peuvent durcir le ton et malmener le gouvernement, leur radicalisation n’a aucune conséquence. Pour les députés LR, eux, le calcul un peu plus compliqué : les actuels députés LR pensent-ils survivre à une dissolution ? Parmi eux, il n’y a probablement pas que des épiciers allergiques au risque, il peut y avoir des suicidaires, des jusqu’au-boutistes, des joueurs ou des hyperconfiants. Toutefois, la faiblesse du parti LR qui aborde déjà les élections européennes en mode “survie” devrait rendre prudents des députés.
Pour le pays, le risque politique de la dissolution se double désormais d’un risque financier: la dissolution de l’Assemblée nationale et le résultat des législatives qui suivraient pourraient constituer le véritable déclencheur d’une crise des finances publiques.
Aucune raison de paniquer, toutes les raisons de s’inquiéter.
Bonne fin de semaine.
David Dupré